# 2 / 2017
13.03.2017

Pour un financement hospitalier efficace

Études INFRAS et Felder sur les contributions aux prestations d’intérêt général et les autres subventions

Deux nouvelles études mettent clairement en lumière les problèmes du manque de transparence et de la mauvaise gouvernance dans le financement hospitalier. L’institut INFRAS a analysé les définitions et les bases de données concernant les prestations d’intérêt général (PIG) et les investissements. De son côté, Stefan Felder, professeur en économie de la santé à l’Université de Bâle, a tenté d’estimer ces deux paramètres importants, ce qui lui a permis de mettre en lumière les subventions des cantons en faveur des hôpitaux. Les résultats de ces études sont présentés ci-après.

a) Mise en œuvre du financement hospitalier dans les cantons

Les problèmes du nouveau financement hospitalier se situent au niveau de sa mise en œuvre, les soins de santé étant en Suisse de la responsabilité des cantons. Ces derniers doivent d’une part approuver les tarifs relevant de la LAMal et, d’autre part, supporter 55% des coûts hospitaliers stationnaires. De plus, ils sont propriétaires des hôpitaux et connaissent le rôle qu’ils jouent en tant qu’employeurs, notamment à l’égard des grandes villes. Ce rôle multiple des cantons est politiquement délicat, car source de conflits d’intérêt. Il ressort en effet que les cantons mettent en œuvre le financement hospitalier comme ils le souhaitent. La marge de manœuvre accordée par la loi fédérale est trop large et multiplie les possibilités de freinage, comme l’ont montré d’autres publications récentes. Il n’est donc guère étonnant que de nombreux cantons essaient par tous les moyens de freiner les adaptations structurelles. La sauvegarde de leurs propres hôpitaux semble parfois passer avant des soins hospitaliers avantageux et de qualité.

b) Dans les cantons, des poisons qui s’attaquent aux adaptations structurelles

Sur mandat de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), l’institut INFRAS a mené une étude de faisabilité visant à évaluer le financement hospitalier. Les auteurs y relèvent l’importance des prestations d’intérêt général (PIG) et des investissements. Ils ont donc cherché à savoir quelles bases de données pourraient être utilisées pour rendre compte de leurs développements. Le constat est inquiétant: parmi les acteurs du système de santé, il n’existe ni définition commune des PIG, ni délimitation claire entre PIG et prestations de l’assurance obligatoire des soins. La loi et l’ordonnance ne précisent pas quelles prestations les cantons peuvent prendre en charge au titre des prestations d’intérêt général. Par voie de conséquence, les cantons prennent en charge des prestations d’intérêt général variées et affichent aussi des montants globaux très différents. Pour ce qui est des investissements, l’étude INFRAS  montre une légère amélioration. Mais ici aussi, la situation est très différente d’un canton à l’autre. Dans la plupart des cantons en effet, les investissements des hôpitaux ont augmenté, dans quelques-uns parfois même sensiblement, alors que dans d’autres, ils ont reculé.

Les deux grandes variables que les cantons peuvent influencer dans le subventionnement des hôpitaux sont donc les prestations d’intérêt général (PIG) et les contributions aux investissements. Un document récent de l’Université de Bâle sur la mise en œuvre du financement hospitalier dans les cantons a cherché à les estimer. L’expertise menée pour le compte des Cliniques Privées Suisses (CPS) montre également de grandes différences cantonales et éclaire un peu la jungle des subventions accordées par les cantons à leurs hôpitaux. L’étude analyse les modes de financement des hôpitaux selon les organismes responsables (cf. encadré ci-dessous). À cette fin, plusieurs statistiques officielles ont été utilisées et évaluées. En font partie, entre autres, les chiffres-clés des hôpitaux suisses, la statistique médicale des hôpitaux et les baserates des hôpitaux publiés sur les sites Internet officiels des cantons. La plupart des données se rapportent à 2013. On y voit que les assurés et les contribuables sont inutilement invités à passer à la caisse. En 2013, les subventions transversales ont totalisé 3,4 milliards de francs. De ce montant, 2,6 milliards de francs seulement ont été signalés par les cantons pour les PIG, alors que 800 millions de francs ont transité par des voies non-transparentes.

Si un tel subventionnement interne est exclu en vertu de la LAMal, il peut néanmoins survenir dans la pratique sous forme de baserates excessifs. Cette possibilité existe étant donné que les cantons sont eux-mêmes les exploitants des hôpitaux et qu’ils exercent donc une influence directe sur la détermination des baserates. Dans les hôpitaux subventionnés, il peut y avoir une influence indirecte des cantons sur les baserates. Il n’est donc pas étonnant que les PIG soient attribuées par les cantons de manière très unilatérale aux hôpitaux publics. En 2013, pour toute la Suisse, seuls 3,2% sont revenus aux cliniques privées. Si l’on y ajoute les contributions du secteur public (hors contributions aux forfaits par cas), les subventions (PIG) et les contributions du secteur public représentent 18% des revenus totaux dans les hôpitaux publics, 5% dans les établissements subventionnés et seulement 2% dans les cliniques privées.

Trois types d’hôpitaux

Cliniques privées: Des institutions de droit privé majoritairement en mains privées. En 2013, sur les 195 hôpitaux de soins aigus et maternités de Suisse, 109 ou 56% appartenaient à cette catégorie. À l’instar des autres entreprises, ces établissements paient des impôts sur leurs éventuels bénéfices.

D’après la nouvelle définition de l’Office fédéral de la statistique, les hôpitaux publicssont des établissements d’État. Ils sont en mains publiques et sont exploités par une instance publique. Le CHUV à Lausanne et les HUG à Genève en sont deux exemples. En 2013, la Suisse comptait 37 hôpitaux publics. Ces établissements ne paient pas d’impôts.

Il reste 49 unités hospitalières majoritairement en mains publiques qui prennent souvent la forme d’une société anonyme où la part publique dépasse 50% des fonds propres. On peut citer en exemple les Solothurner Spitäler AG et l’hôpital de l’Île à Berne. Nous appelons hôpitaux subventionnésles 49 établissements concernés. Une grande partie de ces sociétés anonymes sont exonérées d’impôts.

En ce qui concerne les coûts, on peut noter la part nettement plus faible des investissements réalisés par les hôpitaux en mains cantonales. Les établissements privés affichent un taux d’investissement de 13,4%, tandis que ce taux est de respectivement 7,6% et 6,8% seulement pour les hôpitaux publics et subventionnés. Des investissements de moins de 10% indiquent la présence de subventions cachées. En effet, la contribution cantonale aux forfaits par cas (part de 55%) contient une part de 10% destinées à couvrir des investissements. Qu’il soit caché ou non, le financement des investissements réalisés par les hôpitaux publics et subventionnés se fait via les budgets cantonaux. Dans le cas des hôpitaux publics, cela passe par la location de biens immobiliers, de mobilier et d’installations à des conditions plus avantageuses que celles du marché. Cela est également possible du côté des hôpitaux subventionnés, lorsqu’ils louent des locaux qui appartiennent au canton par exemple. Enfin, on parle de subventions cachées quand les cantons octroient aux hôpitaux des prêts à des conditions préférentielles. Stefan Felder (2016) part du principe que des hôpitaux sont subventionnés ouvertement ou pas, quand ils affichent un taux d’investissement inférieur à 10%. Le Conseil fédéral a fixé ce seuil pour les premières années de la mise en œuvre du nouveau financement hospitalier. Depuis, les investissements sont pris en compte dans l’indemnisation des forfaits par cas.  

Si on considère les trois modes de subvention, le tableau varie passablement d’un canton à l’autre. Avec moins de 100 francs par habitant, ce sont Appenzell Rhodes extérieures et la Thurgovie qui distribuent le moins de subventions. À l’autre extrémité, on a les cantons latins et Bâle-Ville: les pouvoirs publics versent entre 676 francs (TI) et 2099 francs (GE) par habitant (cf. figure 3). À Genève, cela correspond à une subvention par cas notable de 14 896 francs.

L’objectif est toujours le même: affaiblir des hôpitaux rentables pour préserver des établissements étatiques qui ne sont pas rentables. Pourtant, si on maintient des établissements publics non rentables, les établissements privés ne peuvent pas tirer parti de leurs atouts. Les pratiques des cantons sont souvent illégales ou contraires à l’esprit de la loi, comme le montre une étude du professeur Bernhard Rütsche. Selon ce professeur de droit public à l’Université de Lucerne, les cantons sont tenus – en vertu de la Constitution – de veiller à la neutralité concurrentielle dans la planification hospitalière et traiter de manière identique les hôpitaux publics et privés. L’égalité de traitement est centrale, car c’est à cette condition que la concurrence axée sur les prestations peut produire des résultats efficaces. À l’inverse, les subventions croisées faussent la concurrence, entraînent une allocation inopportune des ressources et entravent l’évolution vers une meilleure qualité à un coût équivalent.

Figure 3

Appenzell Rhodes extérieures subventionne ses hôpitaux à hauteur de 69 francs par personne et par an seulement, alors qu’à Genève les subventions atteignent 2099 francs.