# 4 / 2022
20.05.2022

L’économie suisse et la guerre en Ukraine: conséquences économiques et humanitaires

Conclusion: la tragédie de la guerre en Ukraine priorise l’aide humanitaire

Dans cette guerre, l’impact direct des sanctions sur les relations commerciales bilatérales avec la Russie et le Bélarus est faible. Même si certaines entreprises très présentes sur ces marchés peuvent être fortement touchées, les effets indirects de la guerre en Ukraine sont considérés comme potentiellement plus graves pour l’économie dans son ensemble. Il s’agit notamment de problèmes logistiques, de goulets d’étranglement dans l’approvisionnement (de matériaux industriels, matières premières, denrées alimentaires et sources d’énergie, par exemple) ainsi que de hausses des prix.

Les conséquences économiques passent toutefois au second plan face à la catastrophe humanitaire dans les zones de combat. Beaucoup d’entreprises suisses ont donc réagi à la guerre en Ukraine par un engagement humanitaire important. Ce dernier se déploie non seulement en Suisse, mais aussi sur place, ainsi que tout au long des routes qui mènent en Europe occidentale. Concrètement, le soutien comprend des prestations en nature telles que médicaments, nourriture, vêtements ou logements pour les populations déplacées. Des dons financiers importants sont également faits à des fondations et des organismes d’entraide. De plus, diverses entreprises permettent à leurs collaborateurs de travailler bénévolement pendant les heures de travail.

Une brève enquête d’economiesuisse sur l’engagement humanitaire des entreprises suisses en lien avec la guerre en Ukraine montre que le secteur privé peut fournir, lui aussi, une précieuse contribution pour soulager la détresse immédiate des personnes touchées, sur place et en fuite. Bien des entreprises s’emploient proactivement à atténuer ces souffrances et assument leur responsabilité sociale au-delà de leurs intérêts purement commerciaux. Les résultats de l’enquête doivent donc motiver d’autres entreprises à s’engager sur cette voie. D’autant plus que le besoin de soutien devrait encore augmenter avec le prolongement de la guerre.

Les sanctions sont conformes à la neutralité helvétique

La Constitution fédérale souligne l’importance de la neutralité pour la sécurité extérieure du pays. De plus, cette neutralité est reconnue au niveau international depuis 1815 (Congrès de Vienne). Dans l’opinion publique, pourtant, les sanctions de la Suisse contre la Russie sont plus ou moins considérées, ici ou là, comme un abandon de la neutralité helvétique. Dans les faits, ce n’est pas le cas.

La Suisse applique actuellement des sanctions contre 22 pays au total, et deux sanctions contre des personnes et des organisations. D’autres pays neutres ont également pris des sanctions contre la Russie et le Bélarus (l’Autriche, par exemple). La neutralité ne se définit donc pas par rapport à des sanctions en tant que telles. L’offre de «bons offices» n’est pas non plus limitée par les sanctions. Ainsi, la Suisse est actuellement considérée comme une «puissance protectrice» pour la Russie en Géorgie, pour la Géorgie en Russie ou encore pour les États-Unis en Iran.

C’est bien davantage une absence de réaction de la Suisse face à la situation dramatique de l’Ukraine qui serait incompatible avec la neutralité et la tradition humanitaire de notre pays. Un tel comportement encouragerait indirectement la guerre d’agression russe et serait incompréhensible compte tenu des violations criantes du droit international public par la Russie. Or la neutralité de la Suisse est absolument tributaire de ce respect des dispositions internationales par la communauté internationale.

Une solution rapide et durable à la guerre en Ukraine est de la plus haute importance du point de vue économique et humanitaire

Malgré toute l’importance de l’aide humanitaire, il s’agit aussi et surtout de recréer rapidement des perspectives durables pour les entreprises et les employés sur place. Car à long terme, après la chute de performance économique dramatique due à l’invasion russe, les investissements directs étrangers en Ukraine seront une condition tout à fait impérative pour soutenir la reconstruction sur place et l’intégration économique dans les réseaux mondiaux de production, de logistique et de développement. Ils favoriseront également une reprise économique rapide dans toutes les régions concernées. Il faut souhaiter que les relations économiques bilatérales de la Suisse avec l’Ukraine puissent retrouver et confirmer la tendance très positive qu’elles affichaient jusqu’au début de la guerre.

Face au traumatisme économique, aux lourdes incertitudes en matière de politique étrangère et à la situation humanitaire bouleversante de l’Ukraine, les responsables politiques sont appelés à faire tout leur possible pour mettre rapidement un terme à la guerre.