# 7 / 2020
16.11.2020

En 2021 les finances fédérales résisteront à la crise grâce au frein à l’endettement

Recettes et dépenses

Importante baisse des recettes et nombreuses incertitudes

En 2021, le Conseil fédéral table sur des recettes totales de 75,8 milliards de francs. Le même montant avait été inscrit au budget pour 2020. En raison de la pandémie, les recettes effectives sont cependant inférieures cette année. Selon l’extrapolation de septembre, elles se montent à 71,7 milliards. À partir de cette base plus faible, les recettes totales augmenteront d’un peu plus de 4 milliards ou 5,7% durant l’année budgétaire 2021.

L’évolution des différents éléments de recettes est présentée ci-après. Si l’on prend comme point de départ les valeurs actuelles selon l’extrapolation de septembre 2020, il apparaît que le Conseil fédéral prévoit une croissance de presque toutes les catégories de revenus en 2021. Toutefois, la croissance des recettes est dans une certaine mesure «artificielle»; elle est en partie due au report du paiement de la TVA et de l’IFD (cf. ci-dessus). Le Conseil fédéral estime qu’un peu plus de 2,4 milliards de francs d’impôts seront reportés de 2020 à 2021, puis 600 millions supplémentaires les années suivantes.
 

En raison des reports d’impôt en 2020, la croissance des recettes en 2021 paraît plus importante qu’elle ne l’est en réalité.

Le montant des recettes différées est le plus élevé dans le cas de l’impôt fédéral direct sur les personnes morales et conduit même à une augmentation de 5,7% des recettes en 2021 par rapport au budget 2020. Sans ce report, l’impôt sur les sociétés s’inscrirait en recul en 2021 par rapport au budget 2020, comme c’est le cas pour la TVA et l’impôt fédéral direct des personnes physiques (-3,2%, respectivement -3,1%). Ici, le report ne compense pas la baisse des recettes. Les prestations de transfert de l’assurance chômage ont un effet stabilisateur sur l’impôt sur le revenu. Elles atténuent les pertes de recettes dues au coronavirus. Étant donné que le peuple a refusé l’augmentation des déductions pour la garde d’enfants en votation, le Conseil fédéral compte à nouveau avec une augmentation de l’impôt sur le revenu dès 2022. En ce qui concerne l’impôt sur les sociétés, une croissance en phase avec l’évolution conjoncturelle est attendue après la forte baisse causée par la pandémie. Dans cette catégorie d’impôts, l’incertitude est actuellement si grande que les prévisions à moyen terme ne sont pas vraiment pertinentes.

L’évolution des recettes est très incertaine. À plus long terme, une croissance conforme à la tendance conjoncturelle est attendue.

Outre les reports d’impôts, la réforme de l’AVS (AVS21) a également un impact sur les recettes de la TVA. La croissance des recettes attendues à partir de 2022 est presque exclusivement due à l’augmentation de la TVA proposée par le Conseil fédéral pour financer l’AVS (+0,7 point de pourcentage). Cependant, il n’est pas encore clair si la réforme de l’AVS sera approuvée sous cette forme par le Parlement. Les délibérations sont en cours. Sans cette augmentation, les recettes de la TVA stagneraient ou connaîtraient une évolution similaire à celle de la croissance économique.

Pour le moment, le Conseil fédéral estime que l’impôt anticipé (IA) résiste aux crises. Toutefois, la prévision positive concernant les recettes est fortement liée à un modèle d’estimation qui ne se base que sur des valeurs du passé. Les recettes de l'IA ont considérablement augmenté ces dernières années, atteignant un niveau record en 2019. L’estimation des recettes pour 2021 se base sur la poursuite de cette tendance. Étant donné que la crise du coronavirus aura avant tout pour conséquence une diminution des distributions de bénéfices des entreprises (qui représentent le substrat le plus important pour l'IA, le risque que le résultat prévu ne puisse être atteint est élevé. À partir de 2022, la planification des recettes de l’impôt anticipé sera liée au PIB nominal, ce qui se traduira par une croissance nettement plus plate.

Les distributions de bénéfices de la Banque nationale suisse (BNS) représentent un élément important des recettes non fiscales. Selon la Constitution, les deux tiers des bénéfices distribués par la BNS reviennent aux cantons et un tiers à la Confédération. Leur montant dépend de l’évolution du bilan de la BNS et est réglé dans une convention avec le Département fédéral des finances (DFF). Cette convention est encore valable pour l’exercice fiscal 2020 et les bénéfices distribués en 2021. Une nouvelle convention est actuellement en cours de négociation. Le Conseil fédéral s’attend à ce que la BNS verse des bénéfices de 4 milliards de francs par an au cours des prochaines années. Un tiers de ce montant (1,3 milliard de francs) est inclus dans le plan financier pour les années jusqu’à 2024.

La TVA, l’IFD et l’IA restent les principales sources de financement de la Confédérationet représentent plus de 70% du total des recettes.

Fortes dépenses supplémentaires pour la gestion de la pandémie

En tenant compte des annonces complémentaires, les dépenses totales prévues au budget 2021 s’élèvent à 78,3 milliards de francs, en hausse de 3,9% par rapport au budget 2020. Cette hausse est due presque entièrement aux mesures de soutien pour lutter contre la pandémie de coronavirus. Les dépenses supplémentaires (3 milliards de francs) se répartissent comme suit:

  • cautionnements solidaires (couverture d’éventuelles pertes de crédit Covid-19 pour cause de faillite): 1000 millions,
  • transports publics (transport régional de voyageurs, trafic urbain, trafic marchandises ferroviaire, transport à des fins touristiques, chargement des automobiles): 514 millions,
  • extension des allocations pour perte de gain (personnes/entreprises fortement affectées par la gestion de la crise) et mesures pour les cas de rigueur (entreprises du secteur évènementiel, des voyages, du tourisme et forains): 490 millions,
  • financement des tests de dépistage par la Confédération: 289 millions,
  • aides au sport: 275 millions,
  • recapitalisation de Skyguide: 250 millions,
  • aides financières dans le domaine culturel: 130 millions,
  • indemnisation des cas de rigueur pour les bailleurs (renonciation partielle aux loyers commerciaux prévue par la loi): 20 millions,
  • aide indirecte aux médias: 17,5 millions,
  • médicaments: 4 millions,
  • promotion des exportations: 2,6 millions et
  • entreposage d’éthanol: 0,5 million.

Pour gérer la pandémie de coronavirus, le Conseil fédéral met à disposition un total de 6,5 milliards environ jusqu’à fin 2024 (y compris annonces complémentaires de 1,4 milliard de francs). Tandis que les mesures d’urgence prises en 2020 seront inscrites au budget extraordinaire, la procédure normale s’appliquera de nouveau à partir de 2021 et les mesures liées à la pandémie seront financées par le budget ordinaire. Il y a actuellement encore la marge financière nécessaire (cf. ci-dessus).

Abstraction faite des dépenses liées à la pandémie, les dépenses totales restent au niveau du budget 2020.

La croissance des dépenses dans différents domaines (Trafic, Prévoyance sociale et autres groupes de tâches) est due aux mesures liées à la pandémie. Formation et recherche est le seul groupe de tâches où elles augmentent indépendamment de la crise, ce domaine étant prioritaire. À partir de 2021, les programmes-cadre de recherche de l’UE recevront davantage de fonds (paquet Horizon, par exemple). Les moyens sont en outre augmentés pour la recherche et l’innovation, dans l’idée aussi de stimuler la reprise économique.

Dans le domaine Finances et impôts, les dépenses pour l’acquisition de fonds, gestion de la fortune et de la dette régressent; les dépenses s’inscriront en baisse en 2021 également. Les besoins financiers de la Confédération sont spécialement grands à cause de l’endettement accru dû à la pandémie. Toutefois, les taux négatifs ont un effet d’allègement. Tant qu’il est plus avantageux pour les investisseurs de donner leur argent à la Confédération plutôt que d’épargner ou d’investir ailleurs, celle-ci peut émettre des emprunts à rendements faibles, voire négatifs. Le fait d’être l’un des créanciers les plus solvables au monde lui profite. Pour ses titres de créance, le risque est de fait considéré comme nul. Le Conseil fédéral pense que les dépenses d’intérêts n’augmenteront pas ces prochaines années, même s’il faudra sans doute se procurer de nouvelles ressources sur les marchés monétaires et des capitaux.

La hausse des dépenses est modérée à plus long terme.

Dans les années du plan financier, l’évolution des dépenses est marquée par les importants plafonds des dépenses pour les tâches de Formation, recherche et innovation, Sécurité, Agriculture, Coopération internationale, Culture et Trafic régional de voyageurs, dont certains sont encore sujets aux délibérations du Parlement. Dans l’ensemble, la croissance est modérée. Le renouvellement de la défense aérienne (avions de combat), accepté dans les urnes, entraîne une hausse budgétaire (+1,2%) pour la Sécurité. Par ailleurs, les dépenses pour la Formation et la recherche (+2,3%) ainsi que pour les Relations avec l’étranger (+1,9%) augmentent dans une moindre mesure. Les domaines de la Culture et de l'Agriculture restent stables, tout comme les groupes de tâches Trafic et Finances et impôts, dont les dépenses sont plus fortement liées.

Dans le groupe de tâches Prévoyance sociale, de loin le plus grand de la Confédération, les dépenses progressent surtout pour l’assurance vieillesse, essentiellement à cause de la hausse de la TVA prévue dans le cadre de la réforme AVS21. Les recettes supplémentaires sont versées au budget fédéral et, de là, virées à l’AVS. Si cette hausse n’a globalement aucune incidence sur le budget de la Confédération (pur «poste de transit»), elle augmente pourtant sa quote-part d’impôt et la quote-part des dépenses. Ce qui génère des dépenses supplémentaires effectives pour la Confédération, c’est: les prestations transitoires pour les chômeurs âgés, décidées par le Parlement cette année et entrant en vigueur en 2021; la hausse des coûts de la santé, accroissant les prestations pour la réduction individuelle des primes aussi ces prochaines années; et les prestations complémentaires plus élevées (adaptation des montants maximaux reconnus au titre du loyer).

Dans les années à venir, plus d’un tiers des fonds fédéraux continueront d’aller à la Prévoyance sociale. Avec les domaines Finances et impôts, Trafic et Formation et recherche, cela totalise près de 70% des dépenses.

Financement de l’assurance chômage

La pandémie de coronavirus affecte beaucoup les finances de l’assurance chômage (AC). Pour amortir les effets économiques de la crise, le Conseil fédéral et le Parlement ont rapidement étendu l’accès à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail. Cela fait exploser les dépenses de l’AC. Selon les dernières projections, les coûts supplémentaires atteindront 11,5 milliards en 2020.

Comme l’AC est dotée d’un frein à l’endettement ancré dans la loi, le recours aux dettes pour se financer est limité. Selon les dispositions du frein à l’endettement la concernant, l’AC peut s’endetter jusqu’à 2,5% de la masse salariale soumise à cotisation, soit actuellement 8 milliards environ. Si l’AC a besoin de plus de moyens, la loi prévoit que le Conseil fédéral augmente les cotisations salariales à l’AC de 0,3% au maximum, et présente un projet d’assainissement.

Afin que l’AC puisse gérer les dépenses supplémentaires pour le chômage partiel, la Confédération a pris une mesure d’urgence sous forme de prêts à hauteur de 8 milliards de francs. L’AC peut prélever ses fonds directement auprès de la Trésorerie fédérale («caisse de la Confédération»), sans passer par le budget fédéral («prêt de trésorerie»). Comme il s'agit de prêts, les fonds doivent être rémunérés et remboursés à la Confédération.

En même temps, le Conseil fédéral a demandé un financement supplémentaire extraordinaire de l’AC pour éviter qu’elle n’atteigne le plafond d’endettement de 8 milliards, ce qui nécessiterait d’augmenter les cotisations salariales. Un projet de loi stipule que, pour 2020, la Confédération prend en charge l’intégralité des coûts du chômage partiel causés par la pandémie de coronavirus. À cette fin, le Parlement a approuvé deux crédits supplémentaires de 20 milliards environ. Seuls les coûts effectifs du chômage partiel sont versés à l’AC. La base légale pour la prise en charge du chômage partiel reste valable en 2021; le Parlement devra juste déterminer la participation effective. Le financement complémentaire de l’AC pèse lourd dans les dépenses – et donc la dette – que la Confédération a déjà engagées et engagera encore à cause de la pandémie.

Assurer la capacité d’agir de l’AC est primordial pour lui permettre de jouer son rôle de garant des revenus et du pouvoir d’achat, et donc de stabilisateur conjoncturel en période de difficultés économiques.