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06.02.2024

Débat sur les notes à l’école: on s’égare...

Débat: quel est vraiment l’enjeu des notes?

Les notes font l’objet d’un débat vif et souvent dogmatique en Suisse. Pour les uns, les notes chiffrées dans les bulletins scolaires sont sacrées. À leurs yeux, une école sans notes serait synonyme de renoncement à une saine culture de la performance. Pour les autres, les notes sont un désagrément qui entrave les enfants dans leur développement.

Débat sur les notes à l’école: on s’égare

On peut toutefois se demander pourquoi les notes suscitent autant de réactions. Les projecteurs sont en effet braqués dans la mauvaise direction. Le présent document clarifie les tenants et aboutissants de ce débat sur les notes et dirige les projecteurs sur les questions réellement pertinentes: comment la sélection s’opère-t-elle lors de la transition vers le degré supérieur? Des examens sont-ils nécessaires et, si oui, de quel type? Et comment peut-on encourager les enfants de manière optimale tout au long de leur parcours scolaire?

Aux yeux de l’économie, il est particulièrement intéressant de savoir quel type d’informations sont pertinentes lors de la transition entre les écoles du degré secondaire I et une formation professionnelle initiale ou le gymnase. Ou, dit autrement, quelles informations sont nécessaires pour sélectionner de manière optimale les élèves lors du passage du degré secondaire I au secondaire II?

La situation varie d’un canton à un autre

Dans cette discussion, il ne faut pas oublier que les notes ne sont qu’une des nombreuses manières d’évaluer les performances des élèves et que les performances ne sont par conséquent pas évaluées partout de la même manière. Certains cantons stipulent dans la loi que les écoles doivent attribuer des notes. Dans le canton de Zurich, par exemple, le Grand Conseil a décidé en juin 2023 que l’attribution de notes était obligatoire à l’école primaire à partir de la deuxième année. Les écoles du canton ne peuvent donc pas miser exclusivement sur des systèmes d’évaluation alternatifs. Dans d’autres cantons, les écoles sont parfois libres de renoncer aux notes. Dans le canton de Bâle-Ville, des notes sont attribuées à partir de la cinquième année seulement; avant cela, il n’y a qu’un rapport, qui est discuté avec les parents. La ville de Lucerne emprunte encore une autre voie: si elle renonce à noter des épreuves à l’école primaire, elle continue d’attribuer des notes dans un bulletin.

Pas d’encouragement sans évaluation

Alors que l’utilité des notes fait débat, il est absolument indéniable que les performances des élèves doivent être évaluées. Cela fait partie intégrante de l’encouragement. Pour pouvoir réellement encourager les élèves, les enseignants doivent savoir où ils se situent. Ils les évaluent d’ailleurs quotidiennement sous différents angles, que ce soit conscient ou pas. Il existe plusieurs formes d’évaluation:

  • L'évaluation formative soutient le processus d’apprentissage. Les retours des enseignants doivent aider à orienter l’apprentissage des élèves et à les faire progresser de manière optimale.
  • L'évaluation sommative évalue la performance de l’élève à un moment donné. Il s’agit d’évaluer, par exemple, le niveau à la fin d’un semestre ou à la fin d’une unité d’apprentissage. On fait un bilan de ce qui a été acquis jusque-là. Cette évaluation est tournée vers le passé.
  • L'évaluation prognostique est, quant à elle, tournée vers l’avenir. Elle établit un pronostic quant à la meilleure voie à suivre pour l’élève. Cette évaluation est particulièrement pertinente lors du passage au cycle secondaire I, à une formation professionnelle initiale ou au gymnase (secondaire II), par exemple. Il ne s’agit pas seulement d’évaluer la situation du moment, mais aussi le potentiel de développement.

Ces trois formes d’évaluation peuvent s’appuyer sur plusieurs instruments de mesure, et donc pas seulement sur des notes. Dans les écoles suisses, à l’exception du jardin d’enfants et, parfois, des premières classes de l’école primaire, l’évaluation sommative se fait au moyen de notes chiffrées. Celles-ci sont utilisées, d’une part, pour sélectionner les élèves aptes à passer au degré supérieur. D’autre part, elles sont un moyen de répondre au besoin d’information des parents, des entreprises formatrices, des élèves, etc. sur les performances scolaires des jeunes. Elles peuvent également les inciter à faire aussi bien ou mieux que leurs camarades. En regard de ces avantages, il y a entre autres un inconvénient: elles peuvent peser sur la motivation à apprendre des élèves ayant de mauvaises notes.

Les écoles sont confrontées à un dilemme entre l’encouragement individuel des élèves et une sélection fondée sur des critères comparables. L’encouragement individuel nécessite une évaluation formative. Il est en partie entravé par des évaluations sommatives, fondées sur des notes par exemple, tandis que la sélection fondée sur des critères comparables nécessite des notes justement. Ce dilemme montre la complexité du travail réalisé quotidiennement dans les écoles: en matière d’évaluation, les enseignants doivent souvent satisfaire simultanément à des exigences différentes. D’un côté, ils aimeraient encourager chaque élève individuellement et l’amener le plus loin possible. De l’autre, ils doivent procéder à une évaluation qui permette une sélection équitable, surtout avant les grandes transitions. Tout l’enjeu est de trouver un moyen approprié de répondre à ces deux exigences.