13e rente: et maintenant on parle - enfin - des coûts

Je dois reconnaître que je n’étais pas d’humeur joyeuse dimanche, à l’annonce des résultats de la votation sur la 13e rente AVS. Pour une raison surtout: ce que je pressentais – à savoir qu’une majorité des retraités «se voteraient une hausse de leur rente» – s’est bien produit. Le sondage post votation de Tamedia indique que 78% des plus de 65 ans ont accepté l’initiative, ainsi que 68% des 50 à 64 ans, tandis que 60% des plus jeunes (entre 18 et 34 ans) l’ont rejetée. Ainsi que l’écrivait 20 Minutes, l’intérêt personnel a passé avant les idéaux.

Que les retraités modestes aient voté oui est parfaitement compréhensible. Que des gens aisés, avec de bonnes rentes du 1er et 2e pilier aient aussi accepté la 13e rente, l’est beaucoup moins. On sait que cela a été le cas, de nombreux témoignages l’ont confirmé. Ces personnes aisées auront pu prétexter l’altruisme – aider les gens modestes – mais personne n’est dupe. Elles ont volontiers pris ce qui semblait être offert.

Cette campagne a été particulièrement difficile dans la mesure où les arguments rationnels étaient purement et simplement rejetés. Les personnes qui avaient l’intention de dire oui étaient imperméables à toute discussion. Leur opinion était faite et chaque prétexte était bon pour réaffirmer son soutien à l’initiative. C’est ainsi que j’ai pu lire sur les réseaux sociaux, répété à l’envi, qu’il y aura 70 milliards de réserves dans le fonds AVS qui ne demandent qu’à être mises à disposition, que l’AVS a fait des «bénéfices» ces dernières années (remarquez: il ne s’agit pas de «bénéfices» et aucun ne couvre le coût de la 13e rente), que la Confédération trouve de l’argent pour tout sauf pour l’AVS, que cotiser dans l’AVS c’est un bon plan d’épargne, etc.

Les médias ont montré à l’envi des retraités précarisés sans pour autant, à l’exception de quelques titres, expliquer aussi l’existence des prestations complémentaires. Celles-ci doivent certes être demandées, mais elles sont un droit et font partie intégrante du 1er pilier.

Au final, la 13e rente a été clairement adoptée et la question du financement, comme par miracle, resurgit maintenant. Parce que quand même, tout le monde sait qu’il y a un problème. Et maintenant on est dans le dur: comment va-t-on financer ces 5 milliards? Même des politiciens de gauche estiment que la TVA ou les déductions salariales, ce n’est pas une bonne idée, à l’exemple de Gerhard Andrey (Les Verts) à Forum sur RTS La Première. Tout le monde se pose la question et personne n’a encore de bonne réponse. C’est un peu le lendemain de «cuite»: on a bien fait la fête, mais on se dit qu’on ne le refera plus, car on se sent trop mal. L’USS va jouer l’attentisme et laisser à la droite et au centre la vilaine tâche d’augmenter les impôts. Mais au moins parlera-t-on de ce qui a été occulté ces derniers mois: le financement. Il n’y a pas d’argent magique, et les Suisses le savent.

Cette opinion a paru dans l'AGEFI le 6 mars 2024.