Neues Urheberrecht bei Fotografien

Révision de la loi sur le droit d’auteur: des règles plus claires pour les photos

La loi sur la protection du droit d’auteur révisée est entrée en vigueur le 1er avril 2020. Désormais, en Suisse, toutes les photos sont protégées. Cela soulève de nombreuses questions juridiques pour les photographes professionnels et amateurs – Reinhard Oertli, expert en droit d’auteur renommé, répond aux questions.

Jusqu’à fin mars, la loi sur le droit d’auteur (LDA) suisse protégeait uniquement les photographies «originales» ayant un «caractère individuel». En vertu du nouvel art. 2, al. 3bis, la LDA protège toutes les photos même lorsqu’elles ne satisfont pas à ces critères. L’Allemagne et l’Autriche connaissent déjà une réglementation similaire sous le terme de «Lichtbildschutz». L’Italie et l’Espagne ont des dispositions légales analogues.

Des responsabilités accrues dans l’espace numérique

La nouvelle réglementation introduit des règles claires pour l’utilisation d’images, notamment dans l’espace numérique. Les personnes qui souhaitent utiliser des images d’autres sources hors des cadres privé et professionnel strict doivent clarifier les droits avant toute utilisation, car chaque photo est protégée par des droits d’auteur, leur titulaire peut décider de l’utilisation et a droit à une indemnisation. La campagne «Photographié.Protégé.» de l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IGE) résume les changements survenus en 2020 à destination d’un public jeune. Les informations sont présentées dans un flyer.

Questions et réponses sur le droit d’auteur

C’est justement la campagne de l’IGE qui a poussé economiesuisse à repenser les aspects juridiques entourant les images du point de vue des entreprises suisses. Reinhard Oertli spécialiste du droit d’auteur, a répondu aux questions en ce qui concerne les droits d’auteur sur les photos. Veuillez trouver ci-dessous les réponses aux questions les plus fréquentes en lien avec la nouvelle loi.

 

24 QUESTIONS ET LEUR RÉPONSE

Oui. En vertu du nouvel art. 2, al. 3bis LDA, les photos sont également protégées lorsqu’elles ont été réalisées sans recours à des moyens de création ni réflexion sur la mise en scène, etc. Cela vaut pour les selfies, les photos de membres de la famille et d’objets (objets à trois dimensions), sans que le photographe se soucie du lieu de la prise de vue, de l’appareil photo, de l’objectif et des réglages fins (ouverture et vitesse d’obturation).

La qualité de l’image ne joue pas d’importance non plus. Des portraits où les têtes sont coupées et des images surexposées ou floues sont aussi protégés. Idem pour les photos prises avec l’appareil photo d’un smartphone de première génération ou un appareil photo Lomo.

Rien. La protection est automatique lorsque la photo est prise. Il n’est ni possible ni nécessaire de l’enregistrer. Il n’est pas non plus nécessaire d'apposer la marque du copyright ©, même si cela est recommandé, car cela informe des tiers qu’une photographie est protégée par des droits d’auteur et que ceux-ci doivent être respectés. Ajouter un nom informe une personne intéressée de la personne à laquelle elle peut s’adresser pour obtenir une autorisation.

D’une manière générale, pour des raisons de preuves, il est judicieux de documenter qui a pris la photo et quand. Plusieurs techniques sont employées à l’heure actuelle (insertion d’une date authentique dans une collection numérique, par exemple) et il est même question de solutions s’appuyant sur la blockchain.

Oui, des photos de produits étaient déjà protégées à condition d’avoir un caractère individuel et sont désormais protégées dans tous les cas, même si elles ne satisfont pas cette condition.

Non. La protection accordée par l’art. 2, al. 3bis LDA exige un minimum de réflexion de la part d’une personne. Des photocopies, des scanners, des tirages à partir de négatifs, des impressions d’œuvres sauvegardées en format numérique, etc. ne sont pas des productions photographiques protégées au sens de la loi révisée. Les photos réalisées au moyen du détecteur de mouvement d’une caméra de surveillance ou d’un appareil mesurant la vitesse ne sont pas protégées au sens de l'art. 2, al. 3bis LDA, pas plus que les prises de vue individuelles de caméras de tableau de bord, de webcams, de caméras de satellites météo, etc. installées durablement. La jurisprudence fixera les détails.

Cela dit, il n’est pas exclu qu’une personne programme une machine de manière que les particularités (moment de la prise, cadrage, etc.) des photos soient déterminées par la machine mais que, en raison de la programmation, ces clichés représentent un minimum de réflexion de la part du programmeur, ce qui entraîne une protection selon l’art. 2, al. 3bis LDA, voire une création du programmeur, ce qui entraîne la protection en tant qu’œuvre photographique selon l’art. 2, al. 1 et al. 2, let. g LDA.

En ce qui concerne le choix de la technique, la nouvelle disposition est formulée de manière ouverte. Elle couvre toutes les formes de prises de vue, de fixation et de reproduction d’objets au moyen de senseurs chimiques ou numériques et de supports pour la lumière, les rayons X, les ultrasons, la tomographie par ordinateur ou la tomographie par IRM et autres rayons.

Une visualisation sur ordinateur au moyen de commandes électroniques d’une chose virtuelle ne constitue pas une production photographique au sens de l’art. 2, al. 3bis LDA, même si la représentation graphique qui en résulte ressemble à une photographie, car elle ne reproduit rien, mais a été entièrement générée électroniquement. Dans la mesure où l’originalité requise existe, la visualisation peut bénéficier d’une protection au sens de l’art. 2, al. 1 et al. 2, let. g LDA («autres œuvres visuelles»). Une composition réalisée avec des photos existantes est aussi susceptible de donner naissance à une nouvelle œuvre, mais pas une nouvelle production photographique.

La protection s’étend par ailleurs aux productions réalisées au moyen de processus photographiques ou similaires ayant un caractère tridimensionnel (modèles calculés par photogrammétrie, réalisés avec une imprimante 3D).

La nouvelle réglementation ne protège que les photographies d’objets tridimensionnels. Toutes les productions photographiques d’objets 2D (tableaux, dessins, plans, écrits) se trouvent donc fondamentalement exclues.

À noter, que des objets 2D au premier regard peuvent avoir une troisième dimension lorsqu’ils ne sont pas photographiés de manière frontale et que le grain du matériel (écran de projection) ou l’application des couleurs deviennent visibles sur la photo.

Oui, une photo pouvait et peut toujours être protégée en tant qu’œuvre photographique lorsqu’elle présente un caractère individuel. Nous avons donc deux niveaux de protection des photos dans la LDA. Une fois en tant qu’œuvre photographique (à caractère individuel) et en tant que production photographique (dépourvue de caractère individuel).

On pensait au départ que les photos pourraient être protégées efficacement par les droits voisins. L’art. 5, let. c LDA protège un produit prêt à être lancé sur le marché contre la reprise et la valorisation au moyen de processus de reproduction techniques sans investissements appropriés de la part du repreneur. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il faut malheureusement, pour évaluer le travail fourni par le premier ayant droit, tenir compte, entre autres, de la question de savoir s’il a déjà pu amortir ses frais de développement. Dans la mesure où il n'est généralement pas facile de calculer les coûts de photos individuelles et que ceux-ci sont souvent déjà réglés, il est souvent difficile de prouver que des coûts n’ont pas encore été amortis. Cette disposition n’a donc pas apporté une vraie protection aux photographes.

Non, pas entièrement. Les titulaires de droits pour des productions photographiques dépourvues de caractère individuel bénéficient certes des mêmes droits que les œuvres photographiques ayant un caractère individuel. Cela comprend en particulier le droit du photographe d’être mentionné et la protection contre les adaptations (cf. la réponse à la question n° 13).

Cependant, la protection conférée aux productions photographiques est moins étendue. Il est ainsi autorisé de refaire une photo dépourvue de caractère individuel, c’est-à-dire de photographier la même scène depuis le même endroit avec les mêmes réglages. Pour les œuvres photographiques (ayant un caractère individuel), ce serait fondamentalement interdit.

Oui. Pour les œuvres photographiques originales, la protection est maintenue 70 ans après la mort de l’auteur; les productions photographiques dépourvues de caractère individuel sont protégées 50 ans à compter de la réalisation. Il est difficile pour des tiers de déterminer à quel moment la protection s’éteint. La date de publication n’est en aucun cas pertinente.

Lorsque la protection s’éteint, une photo tombe dans le domaine public, c’est-à-dire qu’elle n’est plus protégée par des droits d’auteur. Les photos dans le domaine public peuvent être diffusées et adaptées sans l’accord ni la mention de leur auteur.

C’est une erreur courante. Le symbole © indique aux tiers que l’image est protégée, mais cela ne signifie pas que toutes les œuvres dépourvues ce signe peuvent être utilisées librement.
 

Non, ce n’est pas cela. Il est toujours permis d’utiliser des photos à des fins privées et de les diffuser dans un cercle privé, c’est-à-dire entre membres de la familles et amis proches. Cependant, cette autorisation ne s’étend pas au téléchargement de photos sur internet ou sur des plateformes tels que Facebook ou d’autres médias sociaux. Même si le cercle de diffusion est limité aux proches et que la diffusion au-delà est exclue, les conditions d’utilisation générales de la majorité des plateformes sont telles que l’utilisation est interdite.

Lorsqu’une personne télécharge une photo sur Twitter, Facebook etc. sans restreindre les destinataires («Amis»), on peut en déduire qu’elle accepte que sa photo soit diffusée au-delà – à tout le moins sur la même plateforme et dans le même contexte.

En tout état de cause, il est autorisé d’utiliser des photos pour fournir une explication, une référence, mais pas dans un but décoratif. De plus, le contexte doit justifier l’utilisation. Autrement dit, on ne peut utiliser une œuvre que si le contexte le justifie. En ce qui concerne les images, une reproduction en très petit format («thumbnail») ou avec une résolution faible suffit en général.

Oui, lorsque le partage prend la forme d’un lien vers la photo originale de manière que le contenu partagé disparaît aussitôt que la photo est supprimée, cela ne pose pas de problème sous l'angle des droits d’auteur.

Il en va autrement lorsque la photo partagée est enregistrée et téléchargée et qu’elle continue d’exister indépendamment de la photo originale. En cas de doute, il vaut mieux demander l’autorisation.

Sur internet, des informations figurent souvent au bas d’une photo dans un hypertexte, etc. Les titulaires de droits autorisent souvent l’utilisation de leurs photos gratuitement ou pour une indemnité modeste. De plus, il est possible d’adapter une photo publiée avec une licence Creative Common sous certaines conditions. Celles-ci prévoient la mention de l’auteur (photographe) au minimum. Seules des photos diffusées sous une licence Creative Commons Zero (CC-zero) peuvent être utilisées et diffusées librement, également sans mention du photographe.

L’agence Getty Images ainsi que d’autres détiennent les droits pour un grand nombre de photos. Elles possèdent également un stock de photos qui peuvent être utilisées sans indemnités sous certaines conditions. ProLitteris, qui détient aussi les droits d’utilisation pour de nombreux clichés, autorise généralement l’utilisation contre un dédommagement au tarif usuel. Certaines agences ouvrent l'accès à de vastes collections de photos à un prix forfaitaire.

Il doit s'assurer que l’utilisation prévue, en particulier à des fins commerciales, est autorisée. Pour les images Creative Commons, un symbole du dollar barré indique que l’utilisation de l’image à des fins commerciales est interdite.

Aujourd’hui, chacun peut adapter des photos numériques (Photoshop) et en assembler (photocomposition), cela ne pose pas de problèmes techniques. Lorsqu’on souhaite adapter une photo de quelqu’un d'autre avec ces techniques, il faut presque systématiquement demander l’autorisation du titulaire de droits.

Pour les photos Creative Commons, il faut veiller en particulier à ce qu’il n’y ait pas de symbole «=». Ce dernier signifie que l’auteur interdit la modification de son œuvre.

Pour les œuvres photographiques, toute adaptation est sujette à autorisation lorsque le caractère individuel de l’œuvre originale reste identifiable. La protection de productions photographiques contre l’adaptation est moins étendue puisque le caractère individuel n'est pas exigé. Des adaptations mineures doivent suffire pour se soustraire à la protection au sens de l’art. 2, al. 3bis LDA. Il est primordial de déterminer s’il s’agit encore de la production qui a motivé l’auteur à prendre le cliché. Lorsque la production originale demeure (largement) identique, lorsque des parties non essentielles sont coupées, le format modifié, le cadre changé et les couleurs atténuées (pour autant que les couleurs ne soient pas l’essence de la production originale), l’adaptation requiert une autorisation. En revanche, lorsque la production est reprise en partie seulement ou que des parties essentielles sont dissimulées ou ajoutées, ou lorsqu’elles ne jouent plus qu’un rôle secondaire dans un nouveau contexte (photocomposition), l’adaptation n'est pas sujette à autorisation, à notre avis, mais possible gratuitement. La jurisprudence devra trancher ces questions.

Lorsque l’adaptation d'une production photographique donne naissance à une nouvelle œuvre photographique ou, à tout le moins, visuelle, il s’agit d’une œuvre originale et non d’une œuvre dérivée puisqu’aucune autre œuvre protégée par des droits d’auteur au sens de l’art. 2, al. 1 et 2 n’a été adaptée.

Sachant que des productions photographiques ne doivent pas avoir un caractère individuel, elles ne sont généralement pas étroitement liées à la personnalité de leur auteur, de sorte qu’on ne voit pas dans quels cas une adaptation autorisée altérerait l’œuvre et blesserait l’auteur dans sa personnalité au point de s’y opposer tout de même.

Oui, le principe est que la photo protégée conserve la protection conférée par les droits d’auteur sur les médias sociaux (cf. la réponse à la question n° 10).

Cela dit, en tant qu’utilisateur de médias sociaux, on doit accepter leurs conditions d’utilisation. Facebook prévoit ainsi au point 3 de ses conditions d’utilisation qu’on accorde le droit d’utiliser, de diffuser, de copier et de présenter publiquement des photos téléchargées.

Si on souhaite qu’une photo soit diffusée le plus largement possible, on peut renoncer aux droits d’auteur sur cette photo. Alors, les utilisateurs peuvent copier la photo, la modifier, la placer dans un autre contexte, la diffuser et l’utiliser à des fins commerciales sans devoir demander d’autorisation.

On peut aussi publier une photo sous une licence Creative Commons Zero (CC-Zero). Ainsi, on informe la collectivité qu’on est intéressé par une diffusion large et sans conditions.

Non. La nouvelle LDA ne règle pas la protection, sous l'angle des droits d’auteur, de l’objet représenté ni la possibilité pour un individu de faire valoir son droit de la personnalité. Un objet, tel qu’une œuvre artistique dans le domaine public ou un édifice dans le cadre de la liberté de panorama, peut dans tous les cas être photographié sans que cela porte atteinte aux droits d'une production photographique existante.

La protection d’une production photographique devient problématique seulement en association avec le droit de propriété du musée concerné, qui autorise sa direction à interdire la réalisation de prises de vue dudit objet. Si les clichés existants ne peuvent pas être utilisés en raison de leurs droits d’auteur et qu’une nouvelle prise de vue ne peut pas être réalisée en raison du droit de propriété, cela revient à protéger les objets représentés.

Même si une personne réalise une photo pour son employeur dans le cadre de son travail, les droits d’auteur reviennent principalement au photographe. Dans la pratique, les contrats de travail prévoient souvent la cession à l’employeur des droits d’auteur sur les œuvres du collaborateur ou au moins des droits d’utilisation. En l’absence de dispositions contractuelles, on part du principe que l’employeur se fait transférer les droits d’utilisation dont il a besoin pour ses activités commerciales.

Sur le plan pénal, la personne qui utilise une photo sans autorisation risque une peine privative de liberté de jusqu’à une année ou une amende pour autant que l’auteur dépose une plainte pénale. Celui-ci peut aussi intenter une action civile et exiger la réparation du dommage, le versement de bénéfices, de l’enrichissement voire des dommages-intérêts.

Dans la pratique, l’utilisateur recevra tout d’abord un avertissement (cf. réponse à la question n° 24).

En l’absence d’intention de la part du contrevenant, l’auteur ne pourra faire aboutir des poursuites pénales. Sur le plan civil, il peut demander des dommages-intérêts et le transfert des bénéfices ou de l’enrichissement, même si la personne a agi par négligence. Il peut faire valoir des droits en ce qui concerne l’enrichissement même en l’absence de faute.

Oui, une société peut être tenue pour responsable, civilement, des dommages, de l’enrichissement injustifié et des bénéfices illicites occasionnés par un collaborateur dans l’exercice de ses activités professionnelles. Pour ce qui concerne les dommages, la société doit toutefois être en mesure de prouver qu’elle a fait preuve de la diligence requise pour les éviter.

La nouvelle protection des productions photographique associée aux moteurs de recherche automatiques d’images qui recherchent des utilisations non autorisées sur internet entraînera certainement des avertissements et des poursuites

Contrairement à ce qui se passe en Allemagne, en Suisse, les avocats ne peuvent pas facturer automatiquement à une personne qui a utilisé de manière illicite une production photographique des frais de procédure juridique anticipés.

Depuis le 1er avril 2020, les photos dépourvues de caractère individuel réalisées avant cette date, mais pas plus de 50 ans auparavant, sont également protégées.

Cela dit, on ne peut pas réclamer des droits d’auteur rétroactivement pour une utilisation autorisée par la législation antérieure.

On peut même laisser les photos désormais protégées sur un site internet. Il n’est toutefois pas certain que cela s’applique également en cas de refonte et d’extension d’un site internet.

l est déconseillé d’ignorer des avertissements même s’ils proviennent de l’étranger (d’Allemagne, par exemple). Une personne qui a utilisé une photo ne peut plus déclarer pour sa défense que celle-ci n’est pas protégée faute de caractère individuel. Cela dit, l’auteur d’une infraction dispose de plusieurs arguments pour s’opposer à des demandes en dommages-intérêts ou en transfert de bénéfices et d’enrichissement. Il suffit souvent de ne plus utiliser la photo et de signer une déclaration d'abstention. Avant de signer une telle déclaration, il faut l’examiner minutieusement.

En cas de doute, le mieux est de demander conseil à un avocat spécialisé lorsqu’on reçoit un avertissement.