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20.01.2023

Capacité d’innovation: les sept piliers pour que la Suisse reste performante

Pilier 5: Un accès à des professionnels qualifiés du monde entier

Sans personnel qualifié, l’innovation ne peut pas être réalisée. Les chapitres précédents ont souligné l’importance de la formation, notamment au niveau des connaissances techniques et des possibilités d’application. Depuis les années 1990 déjà, on parle de «guerre des talents». Les personnes intelligentes, dotées d’une grande compréhension de la technologie et d’une agilité opérationnelle, sont considérées comme extrêmement précieuses et sont très courtisées dans de nombreux pays. Avec l’évolution démographique et la numérisation croissante, la concurrence envers ces spécialistes hautement qualifiés s’est encore intensifiée. La Suisse n’échappe pas à la règle, elle qui possède une longue tradition en matière de capacité d’innovation au travers d’entreprises étrangères et de personnes venues d’ailleurs.

De nombreuses études soulignent l’influence positive de la main-d’œuvre étrangère sur la capacité d’innovation et le dynamisme d’une économie nationale. Par exemple, des études menées aux États-Unis montrent clairement que les jeunes immigrés bien formés, qui viennent dans le pays en tant qu’étudiants ou travailleurs hautement qualifiés, peuvent créer une grande valeur ajoutée dans une économie. Ils ont une forte probabilité de gagner mieux leur vie à moyen terme que les autochtones. Ils sont également plus actifs dans la création d’entreprises. Ces immigrés déposent des brevets (aux États-Unis) environ deux fois plus souvent que les autochtones. Ce chiffre tient déjà compte du fait qu’ils détiennent proportionnellement plus de diplômes dans les domaines scientifiques et techniques. Une étude norvégienne a analysé, sur la base des données de 500 entreprises norvégiennes, le lien entre l’embauche d’étrangers hautement qualifiés et la capacité d’innovation de ces entreprises. Les résultats parlent d’eux-mêmes: les spécialistes étrangers augmentent la collaboration avec des partenaires internationaux et donc la probabilité d’innovations de produits.

Depuis le milieu des années 1990, l’immigration en Suisse s’est concentrée sur les personnes hautement qualifiées. Depuis lors, des cadres internationaux de haut niveau, mais aussi des collaborateurs du secteur des services, ont considérablement contribué à atténuer la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Ils ont permis de pallier les conséquences du vieillissement de la population, ont favorisé l’échange de savoirs et contribué à augmenter la productivité et les recettes fiscales.

L’importance de la main-d’œuvre et des spécialistes étrangers va encore s’accroître à l’avenir. En effet, le changement démographique s’accentue. Selon le degré d’activation du potentiel de main-d’œuvre indigène, il devrait manquer environ un demi-million de travailleurs en Suisse d’ici à 2030. L’offre de main-d’œuvre indigène ne sera pas la seule à baisser, car la situation démographique de pays comme l’Allemagne ou la France va également s’aggraver. Jusqu’à présent, ces pays ont fait office de grands réservoirs de main-d’œuvre qualifiée qui est venue en Suisse. Aussi, la Suisse pourra désormais moins recourir à la main-d’œuvre qualifiée européenne. Dans le même temps, on constate que la concurrence mondiale pour attirer la main-d’œuvre qualifiée s’intensifie. Selon un rapport de Deloitte et de la Chambre de commerce américano-suisse, la Suisse ne peut pas rivaliser avec d’autres places en ce qui concerne les conditions-cadre pour la mobilité de la main-d’œuvre internationale de haut niveau – ce qui représente un danger majeur pour la Suisse en tant que site d’innovation.

Des efforts sur des plans très divers sont nécessaires afin d’augmenter l’attractivité de la Suisse pour la main-d’œuvre étrangère et afin de réduire autant que possible les obstacles rencontrés par les entreprises. Il s’agit notamment de mieux exploiter le potentiel de main-d’œuvre qualifiée des pays tiers, de simplifier les possibilités de rester pour les étudiants étrangers après l’obtention de leur diplôme, de réduire les obstacles à la mobilité transfrontalière interne aux entreprises ou de numériser davantage les processus d’autorisation. La Suisse a tout intérêt à s’équiper dès aujourd’hui pour l’avenir et à atténuer la pénurie structurelle de spécialistes et de main-d’œuvre par des mesures précoces.

Résumé du pilier 5: L’innovation ne va pas sans personnel qualifié. Des procédures d’octroi de permis simples et un accès ouvert à des spécialistes mondiaux sont des conditions importantes pour renforcer la capacité d’innovation.