# 12 / 2018
14.12.2018

Initiative contre le mitage: hostile au développement, inutile et inefficace

Durcissement inutile du droit en vigueur

La première étape de révision de la loi sur l’aménagement du territoire (LAT 1) endigue la croissance continue des zones constructibles

La Suisse n’a pas besoin de durcir le droit en vigueur pour un développement durable du territoire. Partiellement révisée et en vigueur depuis le 1er mai 2014, la loi sur l’aménagement du territoire (LAT 1) contient déjà des mesures efficaces contre le mitage du territoire et pour un développement du milieu bâti vers l’intérieur. Elle a introduit notamment les nouveautés suivantes:

  • Le principe fondamental de la séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire (art. 1).
  • L’orientation du développement de l’urbanisation vers l’intérieur du milieu bâti et la création d’un milieu bâti compact (art. 1).
  • La LAT assure en outre une meilleure utilisation, dans les zones à bâtir, des friches et des surfaces sous-utilisées (art. 15a).
  • Le classement de nouveaux terrains en zone à bâtir n’est admis que pour les besoins des quinze ans à venir et si toutes les possibilités d’utilisation des zones à bâtir réservées ont été épuisées, que les terres cultivables ne s’en trouvent pas morcelées, que la disponibilité des nouveaux terrains est garantie et que les règles du plan directeur sont mises en œuvre (art. 15, al. 4, let. b à e).
  • L’art. 3 a été complété afin de réserver à l’agriculture suffisamment de terres cultivables, en particulier des surfaces d’assolement.
  • Les plans directeurs des cantons doivent désormais, dans le domaine de l’urbanisation, définir la dimension totale des surfaces affectées à l’urbanisation et leur répartition ainsi que la manière de concentrer le développement d’une urbanisation de qualité à l’intérieur du milieu bâti (art. 6, 8 et 8a).

L’initiative sur les résidences secondaires, acceptée le 11 mars 2012, a également ralenti le mitage du territoire. Dans les régions à forte proportion de résidences secondaires, surtout les régions touristiques de montagne, l’activité de construction régresse.

Les cantons mettent en œuvre la LAT 1

Les mesures mentionnées plus haut sont en principe suffisantes pour endiguer l’utilisation du sol. Les cantons ont jusqu’à fin avril 2019 pour mettre en œuvre les nouvelles dispositions dans leurs plans directeurs. La figure 1 présente la situation dans les cantons à fin octobre 2018. Dans la majorité des cas, le plan directeur est approuvé ou en cours d’examen à la Confédération. Dès qu’un nouveau plan directeur entre en vigueur dans un canton, les communes concernées doivent mettre en œuvre les nouvelles directives et adapter leurs plans d’affectation. Comme cela prendra aussi du temps, l’Office fédéral du développement territorial ARE prévoit que les premiers chiffres permettant d’apprécier l’efficacité de la LAT 1 ne seront pas disponibles avant 2022. Il est donc malhonnête de prétendre aujourd’hui déjà que la loi révisée est inefficace.

Figure 1

Mise en œuvre de la première étape de révision de la loi sur l’aménagement du territoire (LAT 1) dans les cantons.

La tendance va dans la bonne direction

Même sans données concrètes, l’on constate déjà les effets positifs de la LAT 1. L’Office fédéral du développement territorial ARE cite à ce titre: « … par exemple des déclassements, l’établissement de zones réservées pour préserver les surfaces qui se prêtent à un déclassement, la désignation de territoires qui se prêtent à une densification, des prescriptions obligatoires concernant les densités minimales ainsi que des guides et des recueils de bonnes pratiques dans le domaine du développement durable à l’intérieur du milieu bâti». Sur le plan institutionnel, dans les cantons et les communes, la LAT 1 semble donc déjà faire évoluer les choses dans la bonne direction. En cas d’acceptation de l’initiative contre le mitage, les autorités devront investir leur énergie à la mettre en œuvre plutôt qu’à appliquer la LAT 1 et promouvoir un développement de qualité à l’intérieur du milieu bâti.

Jurisprudence stricte du Tribunal fédéral

La jurisprudence du Tribunal fédéral pose elle aussi des limites strictes à un développement urbain excessif. Plusieurs arrêts rendus en lien avec la LAT 1 interprètent d’ailleurs très strictement les dispositions concernées et créent un précédent. Les exigences de la LAT 1 s’appliquent ainsi déjà aux procédures en cours, invoquant un «intérêt public prépondérant pour une application immédiate du moratoire sur les zones à bâtir». D’autres arrêts notent que les plans d’affectation des communes doivent se conformer à la LAT 1. Si le plan d’affectation communal en vigueur est en contradiction avec la LAT 1, il doit être adapté avant de pouvoir, par exemple, développer un certain quartier ou viabiliser des zones à bâtir.

Depuis 2012, le nombre d’habitants dans les zones constructibles est passé de 7,4 à 8,0 millions. Cela signifie que beaucoup plus de personnes vivent sur une surface pratiquement constante et la surface constructible moyenne a diminué de 309 à 291 m2 par habitant. Cela signifie que le sol est utilisé plus efficacement et que la densification souhaitée a bien lieu. La figure 2 le montre pour les différents types de communes. Avant 2005, les surfaces affectées à l’urbanisation ont connu une croissance disproportionnée, c’est-à-dire plus rapide que la population. Le mitage du territoire a alors augmenté en Suisse. Depuis 2005, la tendance s’est inversée. Entre 2005 et 2015, la croissance démographique dans les centres urbains et les communes des agglomérations est plus rapide, de 5,8%, que celle des zones bâties. Ce renversement de tendance du mitage à la densification s’observe dans quasiment tous les genres de communes.

Figure 2

Dans tous les genres de communes ou presque, on observe une tendance à la densification ces dernières années.

Deuxième étape de révision de la loi sur l’aménagement du territoire (LAT 2) devant le Parlement

En 2019, le Parlement traitera la deuxième étape de révision de la loi sur l’aménagement du territoire (LAT 2). Dans ce cadre, de nouvelles réglementations seront proposées pour les constructions hors des zones à bâtir. Le principe de la séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire n’est pas remis en cause. Cette étape prévoit certes davantage de flexibilité pour les cantons, mais avec l’intention claire d’empêcher une augmentation des constructions hors des zones à bâtir. Toute exploitation accrue en dehors de la surface constructible devra être compensée, en démolissant des édifices existants par exemple. Il semble plus judicieux de miser sur ce projet, permettant le développement nécessaire de l’économie et la construction de logements dans le respect de la séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire, plutôt que de laisser l’initiative contre le mitage étouffer tout développement.

Le développement durable et le développement du milieu bâti vers l’intérieur sont déjà ancrés dans la Constitution

L’initiative veut également promouvoir un environnement favorable à des formes d’habitat et de travail durables, dans des structures de petite taille avec de courts trajets (quartiers durables), ainsi qu’une densification de qualité. Pour cela, il est inutile de modifier la Constitution. La promotion du développement durable y figure déjà aux art. 2 et 73. Un développement durable du milieu bâti et la densification vers l’intérieur sont en outre ancrés dans divers objectifs et principes, dans la loi sur l’aménagement du territoire. Le texte note aussi explicitement que le développement vers l’intérieur doit être «de qualité». La Confédération dispose déjà des instruments nécessaires. Il n’y a donc pas besoin d’un nouvel article constitutionnel.