# 4 / 2020
27.08.2020

Une bonne gestion des écoles publiques pour une formation de qualité

3. Principes en matière de direction dans des organisations d’experts

Avant de commencer à réfléchir à une bonne gestion des écoles publiques, il peut être utile de regarder ce qui se fait ailleurs, en consultant la littérature spécialisée par exemple. Ou en comparant la gestion des écoles publiques avec la conduite d’organisations extrascolaires comparables.

Les écoles soulignent à juste titre que, contrairement aux entreprises privées, elles doivent diriger leur organisation en tenant compte d’un certain nombre de spécificités. Nous montrons ci-après que les organisations d’experts privées et publiques présentent aussi de nombreuses similitudes avec les écoles. Les données scientifiques sur la conduite d’organisations d’experts peuvent donc fournir de précieuses informations pour une bonne gestion des écoles. Contrairement au chapitre 2, il ne s’agit pas ici de la gestion au niveau systémique, mais au niveau personnel et organisationnel.

3.1. Qu’est-ce qu’une organisation d’experts?

Selon Robert Rybnicek et al. (2016), les organisations d’experts emploient des expert·e·s hautement qualifié·e·s. Ces derniers utilisent leurs connaissances spécialisées pour résoudre des problèmes changeants et non routiniers. C’est le cas dans la recherche-développement, dans les sociétés de conseil, au sein d’associations et d’ONG, dans les universités et également dans les écoles, par exemple. Les caractéristiques d’une organisation d’experts sont les suivantes:

  • Qualité et productivité: Pour une organisation, les performances de ses experts constituent la principale ressource. La qualité et la productivité de l’entreprise en dépend largement. Le travail des experts est au centre de l’organisation.
  • Autonomie individuelle: Les experts disposent d’une liberté suffisante pour travailler de manière optimale et pour accomplir leurs tâches à leur façon. Ils devraient disposer d’une autonomie suffisante pour décider des méthodes, des ressources et des processus. La direction n’a guère d’influence sur les objectifs individuels, les priorités et le degré d’identification de chaque personne avec l’entreprise.
  • Motivation: Les experts se sentent davantage liés à leur profession qu’à leur organisation. Aussi est-il difficile de les motiver pour les objectifs de l’organisation.
  • Expertise: Pour les experts, l’expérience dans leur domaine prime la hiérarchie. Les personnes assumant des tâches de direction doivent donc disposer elles-mêmes de l’expertise concernée. C’est à cette condition que l’acceptation par les collaborateurs est assurée.
  • Connaissances: Les connaissances sont la principale prestation et l’offre de base des experts. L’échange de connaissances joue donc un rôle crucial pour l’apprentissage individuel et organisationnel au sein d’une organisation. Comme cet échange est en partie en contradiction avec l’autonomie individuelle, il est parfois difficile à concrétiser.
  • Changements: Les experts ne veulent pas de règles et ont donc souvent une attitude négative à l’égard du changement. Ils souhaitent pouvoir accomplir leur travail de la façon qui leur convient le mieux.

Ces caractéristiques s’appliquent également dans une large mesure aux écoles, de sorte qu’elles sont en principe aussi des organisations d’experts.

3.2. La gestion d’organisations d’experts

En raison des caractéristiques précitées, les organisations d’experts ont besoin d’un style de gestion qui leur est propre. Selon Rainer Erne (2012), les défis qui se posent dans les organisations d’experts sont:

  • définir et mesurer la productivité des experts,
  • motiver les experts à atteindre les objectifs de l’organisation en se conformant aux réglementations,
  • diffuser et utiliser les connaissances au sein de l’organisation.

La direction d’une entreprise peut être divisée en une direction stratégique et une direction opérationnelle. La direction stratégique comprend notamment la fixation d’objectifs pour l’organisation. La direction opérationnelle doit, pour sa part, veiller à ce que les objectifs soient atteints. Elle s’occupe de la gestion organisationnelle, de celle du personnel ainsi que de la planification dans le cadre des activités courantes de l’organisation. Séparer clairement la direction stratégique de la direction opérationnelle est essentiel (Bernstein et al., 2016). Les structures, les tâches et les compétences notamment doivent être clairement définies afin que les rôles soient connus et qu’aucune tâche ne soit exécutée à double ou pas du tout.

La confiance joue un rôle majeur dans les organisations d’experts. Comme l’activité n’est pas forcément observable et que la productivité n’est donc pas manifeste, un directeur ou une équipe de direction doit laisser une marge de manœuvre aux experts et leur accorder sa confiance. Par conséquent, il est également essentiel de développer l’esprit d’équipe et de valoriser les collaborateurs afin d’améliorer la cohésion et d’encourager les échanges professionnels.

Dans les organisations d’experts, la formation continue revêt une importance particulière. Les experts peuvent ainsi être promus en fonction de leurs capacités et le directeur peut développer leur compétence en matière de gestion. C’est un bon moyen de soutenir ou d’accroître la motivation dans tous les domaines de l’organisation.

Pour répondre aux besoins des experts, la littérature spécialisée recommande un style de gestion transformationnel. Une telle approche se concentre sur certains aspects ou d’autres en fonction des compétences et des besoins des collaborateurs. Le directeur est alors un coach, un mentor ou un supérieur hiérarchique, en fonction de ce qui est le plus approprié. L’objectif est de stimuler intellectuellement les collaborateurs et de les promouvoir de manière optimale.

Le nombre de personnes sous responsabilité directe est un thème récurrent dans la littérature sur le management. Combien de collaborateurs doivent être subordonnés à un directeur? Il y a quelques années encore, la littérature spécialisée parlait d’un rapport optimal très petit allant de 1 pour 4 à 1 pour 7. Actuellement, on observe généralement une tendance à l’augmentation du nombre de personnes sous responsabilité directe. La question du rapport optimal n’a pas été clarifiée de manière concluante, mais plusieurs facteurs d’influence doivent être pris en compte. Un rapport faible est par exemple recommandé lorsque les tâches sont plutôt complexes et variées de par leur structure, s’il y a de fortes variations du volume de travail quotidien, si le travail comporte des risques élevés pour l’organisation ou s’il est peu automatisé. Si le public suit d’un œil critique les résultats de l’organisation ou si le développement professionnel des collaborateurs est une priorité, il est également préférable que ce rapport soit moins important. Des structures organisationnelles complexes, de grandes distances géographiques ou un important effort de coordination exigent également un rapport assez faible.

Littérature spécialisée sur la gestion des écoles

Que dit la littérature spécialisée sur la direction des écoles? Elle souligne notamment que les enseignants doivent bénéficier de certaines libertés et droits de codécision et que la direction doit accorder sa confiance au corps enseignant. Un style de direction transformationnel tenant compte des différents besoins des enseignants est tout aussi approprié.

La relation entre la direction d’un établissement scolaire et ses enseignants est très similaire à celle entre les supérieurs hiérarchiques et les experts d’autres organisations d’experts. Cependant, les écoles constituent un cas particulier dans la mesure où les acteurs politiques et l’opinion publique ont davantage leur mot à dire. La direction stratégique incombe aux autorités scolaires, respectivement au conseil communal et au département cantonal de l’instruction publique. Les écoles doivent donc tenir compte de l’intégration politique et de la direction partagée. La direction d’une école exige en outre davantage de coordination entre les différents acteurs que la conduite traditionnelle d’organisations d’experts. Les tâches et les responsabilités des trois domaines, à savoir la direction d’école, l’administration scolaire et les autorités scolaires, doivent être clairement réglementées et réparties. Dans la réalité, ce n’est pas toujours le cas.

Le modèle de gestion appelé «new public management» a gagné en importance dans l’administration publique. Il se fonde sur une séparation claire de la direction stratégique et opérationnelle. Selon Rolf Dubs (2005), l’approche «new public management» convient également aux écoles. La plus haute autorité politico-administrative (un département de l’instruction publique, par exemple) doit alors définir des conditions-cadre claires et élaborer un concept global. Dans le cadre du «new public management», une plus grande autonomie doit être accordée à certaines écoles, car cela peut accroître leur efficacité.

Pour les écoles, la littérature spécialisée recommande le style de gestion appelé leadership partagé. Les hiérarchies sont remplacées par des rôles. Selon le domaine, la direction est assumée par une autre personne. Les experts peuvent ainsi assumer des fonctions de direction correspondant à leurs compétences. Comme pour la direction transformationnelle, les besoins spécifiques des enseignants sont ainsi pris en compte. La direction de l’école interagit non seulement en tant que coach ou mentor, mais confie la direction à un expert pour certains domaines ou projets. En outre, la direction de l’école est ainsi déchargée et peut se concentrer sur ses compétences clés. Cette concentration et répartition des tâches permettent d’atteindre l’objectif visé, à savoir fournir le meilleur enseignement possible.